Le Rebus et la Metamorphose

Regards sur deux dessins de Serge Englebert

Mon regard s’est arrêté à l’ "Arrivée".

Plusieurs tours et détours à travers la rétrospective de 20 ans de dessin de Serge ENGLEBERT n’ont pu détourner ma curiosité interpellée de ce point d’arrimage.

Ce dessin de Serge sera - en toute subjectivité et en toute innocence - le lieu d’une investigation que j’ai voulue comparable au regard candide, c’est-à-dire détachée de tout à priori. L’ "Arrivée" sera le point de départ de mon voyage au pays de Serge.

Ce dessin - rébus projette sur un mur-cadre, en ombres portées, des silhouettes animales qui jaillissent dans la mémoire comme le rappel d’une peinture rupestre de je ne sais quel Lascaux. Les ombres projetées, en même temps qu’elles sollicitent et avivent la mémoire, impriment à toute l’œuvre un mouvement puissant, massif dans sa cohésion. C’est un mouvement où convergent course, vol, galop, et la foulée de l’homme - saisie en plein essor - en est comme l’éperon, la pointe avancée.

A l’avant plan, un motif issu de la protohistoire de l’art - souvenir visuel et/ou livresque - impose son relief et ses couleurs au regard : un chien "au galop volant" (pattes avant et arrière en extension), directement inspiré par l’iconographie mycénienne et que je sais sorti du flanc d’un poignard.

 

Le reste, en noirs, blancs, gris, est à la fois enfui dans un imaginaire souterrain qui occupe l’essentiel de l’espace, et sommé dans une mince frise supérieure, d’un micro-paysage qui évoque la liberté du ciel et de "l’air libre".

Accroché à une paroi "fissurée", qui sert de trait d’union entre la "caverne" et la "surface", un papillon frappe par sa solennelle immobilité. Sa station fixe contraste avec le mouvement qui anime l’ensemble de la composition.

Cette première vision, ce début d'interprétation cohérente est immédiatement "remis en question" par le "cadre", inscrit dans l’œuvre, qui est comme le constant rappel que cette méditation est née de l’art, est le fruit d’un crayon, d’une mise en page, d’une mise en image.

Le dessin de Serge Englebert nie ainsi la certitude que pourraient suggérer et générer sa maîtrise quasi documentaire et la perfection de son dessin photographique. Le surréalisme de la composition remet "les choses" en place : le dessin est verbe au service d’une médiation. Il convient que le regard ne soit pas la dupe de son objet : le rappel explicité de la "mise en cadre" fait en sorte qu’on ne " se laisse jamais aller", qu’on ne "se laisse jamais prendre au jeu".

Le dessin incite, invite à approfondir une recherche, à imaginer une interprétation, à décrypter un rébus.

Dans ce dessin, a-t-on vu, le savoir (le motif mycénien) et la mémoire (LASCAUX) précédent l’idée (le papillon).

Quelle idée ?

Que vient faire le papillon de couleurs accroché à la paroi ?

Que suggère le regard ?

Structuralement, le papillon s’oppose au chien : ce sont d’ailleurs les deux seuls motifs colorés de l’œuvre.

Toute la dynamique des ombres portées de ce Lascaux imaginaire - double mouvement de la gauche vers la droite et du bas vers le haut - part du chien, donc du coin inférieur gauche de la composition.

Dans le coin opposé, dans la logique visuelle de la transversale oblique, le papillon, posé à la verticale, la tête vers le haut. Mais, lui aussi, prisonnier de la caverne encadrée, coupé de "l’air libre" par un réseau arachnéen de failles, de lézardes qui fissurent le "plafond".

La liberté, elle est au dehors, à la "surface" : c’est l’oiseau qui domine, de haut et de loin, un paysage que le crayon a éloigné par une vision lilliputienne.

L’art de Serge anime un réseau souterrain de "correspondances" où le savoir et la mémoire servent de

Gilbert Jourdan

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Le "Rebus" et "la Métamorphose", regards sur deux tableaux de Serge Englebert

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